mardi 21 mai 2013

Hommage à celui qui n'aura jamais mon âge


Votre château dans le ciel

Cher Grégory,

Je n’imagine aucun anniversaire plus violent que ce jour maudit où la maladie infâme vous a cruellement emporté.
Si mes chroniques déversent des rivières acides sur les célébrités agaçantes du show-business, je m'abandonne à ce recueillement épistolaire marquée par la tristesse de votre disparition témoignée depuis six années par vos proches aimants, vos fidèles admirateurs, les anonymes charitables et les patients éperdument touchés par ce même fléau qui a volé votre vie. Je vous revois encore apparaître devant ma télévision et disparaître vers la lumière de nos mémoires. Tout est passé si vite. Trop vite.
Je me souviens de ce château immense, de vos camarades sevrés de gloire dans une académie aux promesses mitigées, du caractère bien trempé de vos professeurs, de ces brimades exacerbées, de ces accolades franches, de ces rivalités amicales, de cette sueur salée ruisselant sur vos yeux cernés par la fatigue, de ces notes parfaites surgissant de votre gorge, de votre souffle altéré, de ce mal invisible que vous dissimuliez avec bravoure et pudeur.
Votre combat instinctif dépasse toutes les limites de notre inconscient, se soustrait à notre ignorance puis écrase sur la route indécise nos angoisses inutiles. Je mêle mes sentiments à cette gentillesse authentique que vous ne cessez de dégager à travers les archives et les photos des magazines qui continuent à honorer votre noble parcours. Au-delà de la souffrance infligée par ces traitements inhumains que nos pires ennemis ne mériteraient de subir, vous incarnez la force indissociable de l’union qui nous rassemble autour de votre fatale révérence. Soldat de l’espoir, vous êtes tombé au «chant» de votre honneur le 30 avril 2007  sans connaître la joie d’une délivrance bienveillante.
A travers l’histoire écrite à l’encre d’un dieu faillible qui vous a lâchement abandonné, je n’approuverai jamais cette fin là. Dans votre paradis substantiel, je vous imagine à la fenêtre d’une autre bâtisse plus silencieuse. Vous y contemplez notre monde s’effondrer à chaque seconde et l'espoir grandir dans l'épreuve. Et surtout, vous chantez d'une voix claire. Votre magie incandescente continue mélodieusement à éclaircir nos âmes ternes pour nous vouer à l’essentiel: la vie est un cadeau que l’on nous a donné. Et la reprendre c’est nous tuer. Vous ne lirez pas cette lettre. Alors, je vous l'envoie machinalement vers le château de pierres bâti au milieu d’un ciel azuré où vous vous êtes réfugié.

Hervé Gaudin

NB: Grégory Lemarchal aurait eu 30 ans le 13 mai 2013.

lundi 13 mai 2013

Le camp du bonheur



Aux larmes et cætera

Les supporters l’ont rêvé, Paris l’a fait. Conforté par une couverture budgétaire de 300 millions d'euros, ce troisième titre obtenu ce dimanche 12 mai sur la pelouse lyonnaise de Gerland suscite les nombreuses interrogations des analystes au regard du spectacle si souvent décevant, du jeu alternant le prestige et le ridicule, du fair-play frôlant la honte. Bref, ça fait désordre.
Cette saison 2012-2013 fut marquée avant tout par le marché pléthorique de stars venues en masse dans la capitale ramasser l’argent bonnard du Qatar délaissant un projet sportif alléchant. A part les mercenaires trentenaires du football pécuniaire, personne n’aurait envie de fouler l’herbe humide du Parc des Princes, arène des gladiateurs footballeurs tâcleurs ou râleurs. Lyon, Marseille, Lille, Nice et Saint Etienne démontrent sans grande difficulté des ambitions intactes dans la formation efficace et le recrutement intelligent. La route menant à la prestigieuse ligue des champions ne se gagne pas à la légère ni à coups de liasses dans la liesse populaire. Le Red Bull ne suffit plus, il faut des tripes ainsi que les attributs masculins qui vont avec. Au coup de sifflet final d’une rencontre dominée par des parisiens calculateurs, les supporters ont versé quelques larmes, ont sabré un champagne pétillant à souhait et ont délibérément crié leur soulagement comme un accouchement difficile. Certes, le bébé est beau. Un titre national ne se boude pas. La commission de discipline courbera forcément le dos suite au coup d’épaule de Leonardo rempli d’égo sur l’arbitre Monsieur Castro. Une simple suspension en guise de punition. Le sujet semble définitivement clos. La classe dirigeante du Paris Saint Germain glanant un trône européen pourrait revoir ses ambitions de fièvre acheteuse dès le prochain mercato. Chelsea approche le napolitain Cavani cité depuis des semaines entières dans tous les canards déchaînés. Ibra change de voie pour négocier avec les Turinois. Verratti voit un avenir pérenne en terre madrilène. Et si Carlo leur dit «ciao bello!», Thiago le sage bousculerait ses propres idéaux. En concurrence légale, Monaco souhaite recruter à tire-larigot et anime les rumeurs de contact avec le Colombien Falcao dans une transaction approchant la bagatelle de 60 millions d’euros. Ce promu en classe business compte dans ses caisses un portefeuille russe bien épais. En conflit avec la LFP pour des raisons purement fiscales, les dirigeants monégasques semblent déterminer à gagner en justice et ainsi décrocher la queue du Mickey en 2014. Qui a dit qu'argent et football font souvent bon ménage?

Pendant ce temps au camp des loges, s’étalent les éloges tandis que les pétrodollars s'empochent. Après 19 ans d'attente, laissons les vainqueurs se taper la cloche tant que le gâteau est savoureux. Dans le football actuel, il ne suffit pas d’avoir de l’appétit, il faut avoir de l’estomac.

Hervé Gaudin.