lundi 22 février 2016

Familles décomposées


©palaisdesglaces.com

Marie dans tous ses états


Accaparée par une grosse fuite d'eau dans sa salle de bain et agacée par le plombier qui se fait attendre, Marie n’imaginait pas que sa soirée deviendrait une déferlante de surprises, de quiproquos, de mensonges et de révélations en tous genres au moment où Arthur son fils unique invite ses futurs beaux-parents à dîner.
Au sein d’un décor aux allures d'un foutoir organisé, Véronique Genest prend l'espace sans jamais voler la vedette aux autres comédiens non moins brillants. Dès les premières minutes, elle ne tient pas en place, refuse l'immobilisme et donne de la voix en permanence. Elle ne s'autorise aucune temporisation pendant 1h30. De bout en bout, elle impose indéniablement sa présence. A tel point que j'ai senti renaître Jacqueline Maillan qui incarnait autrefois des personnages au caractère fort avec un brin de masculinité mêlé à une tendresse maquillée.  L'énergie contagieuse accentuée par la dimension comique de Julien Cafaro, l’homme soumis et de Caroline Devismes, la bimbo hystérique (une belle révélation) pousse les situations à l'extrême drôlerie. Le personnage du plombier bodybuildé interprété par Maxime m'a rappelé avec nostalgie l'acteur Mario David, le masseur aux mains talquées d’Oscar.
Dans la folie jubilatoire de cette comédie de Thierry Lassalle mise en scène par Thomas Le Douarec, on retrouve les codes des grands pièces de boulevard. Si vous aimez les exubérances gestuelles, les exagérations verbales et les claquements de porte, vous serez conquis.
"Portrait craché" est une peinture contemporaine de personnages hauts en couleurs qui nous ressemblent. On se cache tout, on se dit rien. Puis, quand les sentiments s'emmêlent, on se regarde en face comme dans un miroir aux amourettes.

Hervé Gaudin

mardi 16 février 2016

Le miracle de Noël


©theatre-des-varietes.fr

Curriculum vital


Au lever du rideau, un salon d'appartement simple et intimiste sert de décor principal. Puis, une peinture de la société urbaine à travers trois personnages raconte une histoire aux allures d'un conte de fée moderne.

Sarah (Fanny Guillot) donne l'apparence d'une pauvre petite fille riche qui voit le monde s'écrouler à sa première désillusion amoureuse mais son cœur en or la libère de tous préjugés.
Catherine (Corinne Touzet) est une mère célibataire qui malgré sa réussite sociale porte son quotidien à bout de bras et conçoit la vie comme une bataille quotidienne.
Michel (Christian Vadim), un sans-abri à la voix tremblotante trouve refuge sur son palier devant leur porte d'entrée.
Le destin va les réunir le temps d'un repas de noël où naîtront des révélations intérieures.

Dans une succession de chapitres, le jeu vire perpétuellement du rire à l'émotion et de l'émotion au rire sur un fond social fort.
Le spectateur ne se sent jamais abandonné. Au contraire, il est absorbé dans cette atmosphère chaleureuse et tendue.
D'emblée, j'ai eu le sentiment d'assister à une histoire féministe par le rôle dynamique, moderne, parfois rude incarné par Corinne Touzet. Son personnage autoritaire laissera place à plus de tendresse. Elle sublime chaque phrase, chaque geste.
Catherine fragile en dedans, forte en dehors se dévoile peu à peu.
Michel incarne l'homme enfant. Naïf et bienveillant, il s'excuse presque de recevoir tant de générosité.
J'ai perçu en Michel un personnage de Brel. La chanson "quand on a que l'amour" interprétée avec une certaine ironie n'est pas anodine. Je l'aurais bien vu apporter des bonbons tellement sa bonté transpire. Dans ce registre non caricatural, Christian Vadim nous propose une interprétation de choix qui m'a bouleversé.
Sarah unira ces deux êtres emprunts de solitude comme un lien originel, un maillot fort, le "puéril" jeune à la sauce Klapisch.
En Fanny Guillot pousse indéniablement une graine de révélation théâtrale.

La mise en scène d'Antoine Rault est ordonnée, si juste, à fleur de mots. J'ai aimé le texte épuré. J'ai été touché par la précision des dialogues. Les mots piquent au coeur au moment où l'on ne s'y attend pas. On sourit, on rit et la gorge se noue de sanglots.

La fin de la pièce laisse présager d'une suite. Pour un autre départ?

Hervé Gaudin

vendredi 12 février 2016

En vert et contre tous

 
©rtl.fr

Cosse toujours tu m'intéresses!


Au théâtre comme en politique, le vert effraie les esprits superstitieux.
Depuis ce mini remaniement ministériel sans véritable bouleversement, Francois Hollande montre un signe fort en vue des prochaines présidentielles.
Pour moi, il sera le candidat de la gauche.
Le choix d'Emmanuelle Cosse, leader d'EELV au poste de ministre du logement et de l'Habitat que Cecile Duflot a également occupé n'est pas le fruit du hasard. François Hollande veut attirer les écologistes dans son camp.
Suite à la nomination de Manuel Valls à Matignon, Emmanuelle Cosse soulignait à l'époque que la décision des deux ministre écologistes, Cécile Duflot et Pascal Canfin, de ne pas participer au futur gouvernement relevait de la «cohérence politique». (voir article du Parisien du 31 mars 2014).
Les Verts, alors pris dans l'étau huilé d'une crise identitaire, d'une lente agonie, d'une hémorragie des égos, claquent la grande porte de l'Elysee en jurant de ne plus s'y pointer.
Que nenni. Emmanuelle retourne sa veste et occupera désormais un poste inadéquat puisque l'écologie serait d'une logique implacable.

Tandis que les sondages ne semblent pas favorables à une réélection de notre président, François surfe sur la vague déferlante du "on ne sait jamais" et "du pourquoi pas moi?" en se positionnant officieusement en tête des primaires socialistes laissant son rival Valls valser dans les cordes. Entre un tocard complètement dépassé et un outsider ambitieux droitisé, les militants socialistes vont se régaler dans les futurs meetings. Et les voix écolos leur seront bien utiles si la gauche souhaite accéder au deuxième tour en 2017.
Bien qu'elle souhaite se détacher d'EELV pour mieux se consacrer à ses nouvelles fonctions, Cosse portera à bout de bras l'étendard de son parti fragilisé par les départs successifs de nombreux députés dont Jean-Vincent Placé devenu enfin ministre, François de Rugy et autres (faux) compagnons de route.
Dans la course au second mandat, François craint d'être chahuté par le FN. Marine s'égrène à grappiller des voix de gauche, de droite et du milieu.

Enfin, un caillou se coince dans l'engrenage idyllique du remaniement puisqu'Emmanuelle Cosse s'oppose à la déchéance de nationalité. Nous connaissons tous le débat houleux au sein de la majorité provoquant la démission de Christiane Taubira qui, l'air hautain, se félicite de son coup de com´. Évidemment, elle sort un bouquin et elle vend plus que Sarko.
Ça fait désordre surtout si elle décidait de se présenter aux primaires.
 Que les socialistes réfractaires au retour des écologistes au sein d'un gouvernement rafistolé se rassurent grâce au slogan révélateur: un Vert ça va, trois Verts, bonjour les dégâts.

Paradoxalement, la politique américaine navigue à contre courant de la nôtre.
Bernie Sanders, séduit la jeunesse pour les attirer à gauche alors que nos socialistes virent de plus en plus à droite.
Avec Donald Trump, une frange des républicains étreignent l'extrême droite.
Au sein de notre hexagone, le communisme a disparu, le socialisme semble perdu entre des compromis idéologiques de gauche et la suprématie bancaire. Le libéralisme de Macron deviendra à court terme le vrai talon d'Achille de Francois Hollande.

Sur la question de l'assurance santé, Hillary Clinton rappelle avec fermeté "on est pas la France"!
Alors, quel modèle devons-nous suivre? Que nous propose le pays où le dollar est roi? La grande question est là: doit-on préserver notre identité née dans la liberté et la préservation de nos valeurs sociales ou nous soumettre à l'idée que la finance emportera tout sur son passage.
Avec utopie, je suis convaincu que nos responsables politiques veulent préserver ces valeurs auxquelles les français sont viscéralement attachés: la santé, la liberté et le vivre ensemble.
Ce remaniement sonnera probablement le glas de la confiance infime que le peuple français apporte à Hollande.

En vert et contre lui.


Hervé Gaudin.

mercredi 10 février 2016

Confidences pour confidences

©arnaudtsamere.com

Tsamere à boire


Avec assurance et détermination, Arnaud Tsamere refuse d'être drôle ce soir. Pari manqué!
Imprégné de sa folie jubilatoire, moi le spectateur séduit d'emblée, frôle le sadomasochisme zygomastiqué.
Entre deux gorgées d'eau, il nous glisse des décors de plage où les cadres pollueurs de Volkswagen côtoient une amie des bêtes, il bricole un présentoir qui n'a pas lieu d'être réparé et nous livre son attachement à la variété française dans un fabuleux enchainement de tubes incontournables.

Jonglant avec le stand-up traditionnel en interactivité directe avec son public, l’humour noir bien contrôlé et une attitude pince-sans-rire bien maîtrisée, je me délecte de ses claques incessantes sur sa joue gauche.
Le regard attentif et l'oreille alerte, j'y ai retrouvé avec évidence Gaspard Proust par la causticité des mots, Gustave Parking dans le décalage permanent et l’énergie d’Alex Métayer (trop souvent oublié) même si son humour reste unique en son genre.
Les pâtes à la Boudoni se conjugueraient merveilleusement avec les biscuits chocolatés du petit déjeuner et le Kinder Surprise d'Orphée, jeune spectatrice intimidée assise à l'orchestre.
Le rythme s'accélère au fil des gestes, de sa verve malicieuse, de sa voix au timbre parfait.
Puis, la fin digne d'une triomphe à l'Olympia est absolument génial.
J'ai été chipé, ému.

Avec son air de pas y jouer, il est bien plus qu’un humoriste et se révèle comme un vrai acteur de théâtre.
Sa diction impeccable m’a bluffé dès les premiers mots comme un musicien délivrant ses premières notes.
Quand le rideau est tombé, quand les derniers applaudissements se sont tu, je me suis consolé comme j'ai pu.
Alors, je reviendrai forcément.
Avec soif et boulimie, Arnaud Tsamere est à boire comme du petit lait et se mange sans faim.


Hervé Gaudin.