jeudi 31 juillet 2014

Centenaire


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Notre Louis dort
A l’annonce de sa disparition le 27 janvier 1983, la France est devenue orpheline du comédien le plus célèbre de l’hexagone loin devant Fernandel, Bourvil, Noiret, Serrault ou Ventura. Fufu ne peut pas mourir! Qu’allons-nous devenir? Juste de pauvres piétons démunis sur le chemin sinueux qui conduit au cimetière des artistes. 
Incontestablement, ses esclandres démesurés, ses grimaces inimitables, ses répliques cultes, ses colères elliptiques, ses gestes démesurés ont une place à part dans la mémoire collective. Comme une sorte d’intouchable. Oui, on ne touche pas à son œuvre débordante de richesses inestimables où l’on entendrait presque le sou doré manquant à sa précieuse cassette rouler sous le lit douillet de Don Salluste à peine réveillé par la voix murmurée de son valet bienveillant. En évoquant de Funès, des personnages peints avec une délicatesse caricaturale de notre société jaillissent devant nos yeux. Du patron tyrannique à l’aimable paysan, du pingre au raciste de bas étage, la dimension dramatique ne s’arrête pas à de banales mimiques. Aujourd’hui, je l’aurais bien imaginé dans «Monsieur Batignole» ou «Des hommes et des dieux». Pas seulement pour surfer sur la mode facile du contre-emploi mais parce qu’il était imprégné d’une dramaturgie évidente. On la retrouve volontiers dans le monologue satiné de «L’aile ou la cuisse» où les mots égalent la noblesse de ce verre de Saint-Julien, Château Léoville Las Cases de 1953.
De Funès, c’est aussi un tableau d’acteurs oubliés. La vague déferlante de jeunes humoristes ambitieux au talent contestable ne les a pas épargné. Je pense aussitôt à Maurice Biraud, Dany Carrel, Robert Dhéry, Paul Préboist, Mario David, Agathe Natanson ou Henry Guybet. En ce jeudi 31 juillet à l’heure où un soleil d’été sème une zizanie caniculaire, il aurait eu cent ans. Pour héritage, il nous laisse le fauteuil vide d’un humour que l’on ne verra plus jamais. Notre Louis repose dans son village du Cellier depuis vingt ans déjà. La comédie a assez duré. Reviens Louis, il est l’or de se réveiller.

Hervé Gaudin.

mercredi 9 juillet 2014

La loi du terrain


La samba s’en va

Les prières n’ont pas suffi pour éviter le pire. Et les larmes couleront longtemps sur les joues maquillées des aficionados. Hier, le chagrin d’une nation entière transpirait aux quatre coins de la planète football. La Seleçao tombe en ruines sous la fronde guerrière de la Mannschaft. La presse internationale se lâche pour définir cette défaite dite historique: débâcle,  naufrage, débandade, désastre, écroulement, catastrophe, effondrement, désordre, chaos, déconfiture, déliquescence, perdition, banqueroute, déroute, naufrage, désolation, trahison. Tous les mots sont permis. Comme les coups du sort qui abîment l’espoir. Une question s’impose: l’équipe brésilienne est-elle finie? On pourrait en parler des heures autour d’une table basse où s’éparpillent des restes de pizza de la veille, des bières éventées et des bouteilles de soda gondolées. Bref, cela ne sert à rien d’analyser à la lettre le jeu d’une équipe écrasée sous le joug implacable de la sélection allemande. Fortement perturbée par l’absence de Neymar, le maître à jouer et la suspension de Thiago Silva, critiqué fortement depuis le début de ce mondial, l'équipe était déjà amorphe au coup d’envoi de cette demi-finale. Le kick off s’est rapidement transformé en kick ass à la 30ème minute sous les yeux humides des supporteurs ébahis, choqués, anéantis. Sous la houlette de Joachim Löw, tacticien hors pair, les Müller, Khedira, Klose, Schürrle et consorts ont joué le coup à fond sans mépris. Avec une décontraction déconcertante et un réalisme à toute épreuve, ils ont relégué le pauvre Julio Cesar aux rangs des gardiens les plus mauvais de ce tournoi. Quand tranquillité et efficacité ne font qu’une, la Mannschaft mange du brésilien. Mon inquiétude se porte sur un David Luiz, trop faible mentalement pour porter sur ses épaules une défense bien trop fragile. Paris a misé gros sur lui au début du mercato estival en finalisant un transfert proche de 50 millions d’euro (plus un bonus de 10 millions). Cet achat compulsif devrait amener les dirigeants à une vigilance accrue lors de ses prochaines  prospections. Enfin, nous nous accordons à penser que Neuer règne sur le trône des portiers surhumains.
De surprise en surprise, la compétition nous emmène vers des épilogues improbables. On parie d’avance sur un succès argentin mais n’oublions pas que bataves restent chanceux. Même si Cocu ne joue plus, l’adjectif serait de bon aloi. La messe n’est pas dite avant que Messi et les siens démontrent une vraie envie de figurer sur le "hall of fame" des champions du monde. Belo Horizonte aurait pu devenir l’arène du bal mais la samba s’en va pour laisser place à l’immobilité. Les rues sont désertes, les maracas se taisent, les plages se couvrent de honte. Contre la malédiction, on ne peut rien. Tous les bras tendus vers le ciel de Rio attendent le miracle. Jonché au sommet du Corcovado, le Christ rédempteur n'en a pas la moindre idée.

Hervé Gaudin