mercredi 30 novembre 2016

Documentaire

©cesoirtv.com

Le temps des groseilles

Se souvenir des belles choses est un refuge naturel.
La caméra subjective de Marie-Sophie Tellier nous raconte avec pudeur, tendresse et douleur, la perte d’autonomie de sa grand-mère si attachante. La Reine Mère comme elle s'amuse à l'appeler.
Louisette aime sa cuisine, lieu où palpite cette crainte immuable de voir le pire arriver.
Au fil des années, les pense-bêtes se multiplient, on prend soin de garder les portes fermées, l'emploi du temps est minutieusement étudié, le moindre geste du quotidien devient presque effrayant. 
Et même si elle nous régale de ses bons mots, de sa gouaille, de son caractère grincheux, j'ai pris en pleine figure la réalité du mal qui la ronge car il s'immisce, avance, grappille la quiétude des proches et prend toute la place. Jusqu'au jour malheureusement inévitable où l'aide à domicile s’installe à la maison.
Jour après jour, l'entourage doit s'adapter, anticiper et rester digne. Pour elle avant tout.
Le courage bouleversant de ses filles Micheline et Annie est mis à dure épreuve. L'amour ne se dit pas forcément, il se prouve tout simplement. Comme une force supplémentaire pour affronter le destin.

L'alarme de Louisette retentit en moi. Je me souviendrai de cette dame que j'ai rencontrée pendant 52 minutes.
Le temps des groseilles continue à renaître dans son jardin de province.
Louisette est toujours là, assise sur sa chaise. Elle sourit. Elle nous regarde à son tour. Du fond de sa mémoire, je sais qu'elle n'a rien oublié.

Hervé Gaudin

jeudi 1 septembre 2016

Hey Manu, tu descends!


Macron moulage

Comme un pèlerin guidé par la grâce du tout puissant, Emmanuel Macron quitte le gouvernement à la conquête de l'Elysée, temple de l'ironie depuis mai 2012.
Ce haut fonctionnaire la bourgeoisie Rothschildienne semble sûr de lui. Costume impeccable (utile pour aller au turbin), le tête haute, le sourire narquois, le verbe juste, il déclare avec enthousiasme et habileté son détachement aux méthodes de ces anciens comparses. Et par-dessus tout, il veut aller plus loin.

Dans son discours d'adieu bien étudié plusieurs mois à l'avance, il utilise la métaphore maritime tel un naufragé dans une embarcation frêle. En gros, il veut aller loin mais dans un bateau de fortune.
Quand tu as été mousse sur le Titanic, un canot de sauvetage te parait beaucoup plus sécurisé.
Mais voilà, quelle voie empruntera-t-il pour séduire les plus sceptiques dont je fais partie? 
Je pense qu'il tentera de rapprocher les déçus de gauche qui ont tant cru en François au même titre que les déçus de droite qui ne croient pas en la victoire aux primaires de Sarkozy et que Juppé est bien trop vieux pour plaire à la jeunesse. Ou trop vieux tout court.

Macron, notre JFK frenchie se fait déjà tiré dessus à bout portant.
Valls, le faux cul de service, s'empresse de reprocher son manque de loyauté et le père Hollande, affiche son amertume en constatant que le poulet s'est servi du coq.
Au fil des mois, les désaccords entre le premier ministre et le ministre de l'économie ne cessaient de créer une fissure que Valérie Damidot serait incapable de colmater.
A commencer par le voile à l'université, le salaire des patrons et le fameux meeting en marche! à la Mutualité qui ne passe toujours pas dans le gosier du catalan. Vraisemblablement, Macron veut aller au bout mais en solo. Pur produit d'une classe aisée, il se ralliera à cette marotte américaine: travail, famille, patrie.
Je le ne vois pas prôner l'immobilisme économique, l'immobilisme social et surtout l'immobilisme salarial des grands patrons. Manu est un poussin de droite que la gauche n'a pas tué dans l'œuf.
Elevé au biberon du CAC 40, je l'imagine prôner le libéralisme à faire pâlir Edwy Plenel et Olivier Besancenot.

Le jeune banquier, brillant de surcroît, s'est forgé dans son propre moule. Osera-t-il s'affirmer au rang des grands pontes de droite ou jouera-t-il une carte centriste pour se défaire à tout jamais de son étiquette socialiste?
Cela me fait penser au jeu de mon enfance où je m'essayais péniblement à la pâte à modeler. Tu prends la matière molle dans tes mains, tu la malaxes de toutes tes forces pour donner forme à quelque chose.
Ça ne ressemble à rien au départ et à l'arrivée ça ressemble à pas grand chose non plus.
Le match Macron-Hollande a d'ores déjà commencé: la matière grise contre la matière grasse.

HG

vendredi 25 mars 2016

La dame du haut de Murat-le-Quaire



Les maisons du bonheur


À Murat-le-Quaire, passez la porte de la maison de la Toinette. Elle vous accueillera les bras ouverts pour vous conter sa vie auvergnate.
Pris dans le sillage ombragé des photos et des films d'époque, les mots de cette paysanne emprunts d'émotion vous emmènera au XIXème siècle.
Entre ciel et terre, elle vous dira que son quotidien était rude mais pas moins heureux.
Le coeur y trouvait sa place entre le feu crépitant d'une veillée hivernale et la paille sèche endormie sur une charrette.
Son amour des bêtes ne demeure pas moins important que l'affection des gens qui ont croisé sa route. Une route rocailleuse où le temps d'une visite, la mémoire de cette femme s'est figée jusque dans la pierre de sa maison.

A quelques pas de ce scénomusée aux couleurs d'antan, Julien, un lointain descendant de Toinette Chaumard, vous conviera dans sa grange qu'il a rebâti à force de travaux et de courage.
Éloigné de sa compagne Catherine, institutrice à Lens, son Auvergne natale lui porte l'espoir de se reconstruire au fil des jours. 
Évoquant ses rencontres authentiques et touchantes illustrées par les dessins du vieux Joseph, Julien ne partage pas que ses souvenirs, il prend des nouvelles de son passé.

Hervé Gaudin

vendredi 18 mars 2016

Le dîner de comptes

©theatredelarenaissance.com


Femme, je vous hais

Et si vous aviez soudain l'envie de supprimer froidement votre mère méchante et détestable?
Flo, l'aîné de trois enfants, songe à mener ce sinistre projet à terme.
Soumis à un odieux chantage, Fanny sa sœur cadette boulimique et mal dans sa peau soutenue par Ben, le petit dernier désinvolte et hypersensible, n'adhèrent pas à ce plan machiavélique... jusqu'au moment où Marie-France, la matriarcale sorcière sonne à l'appartement. 
Révélations et vérités difficiles à entendre fuseront au gré de répliques crues, cinglantes, acides mais irrésistibles.

Eva Darlan, Frédéric Bouraly, Maud Le Guénédal et Erwan Creignou offrent une prestation de prestige à tel point que la pièce m’a semblé trop courte.
Derrière le jeu d'acteurs d'exception se cache un vrai sujet de société où s’immisce une émotion palpable.
L'instinct maternel est-il forcément inné? Une mère a-t-elle le droit de sortir de l'absurdité des conventions, des clichés quand la vieillesse ne l'autoriserait plus à vivre sa vie de femme? Et, par-dessus tout, doit-elle sacrifier sa vie pour ses enfants au détriment de son propre bonheur?
A travers ces interrogations, sexe, alcool et salsa deviennent alors les marottes de cette femme indigne aux yeux de ses enfants qui vont en prendre plein leur grade.

Cette comédie grinçante fait penser à l’incontournable Tatie Danielle d’Etienne Chatiliez par le traitement de fond du sujet, par la cruauté émergeante des personnages, par le simple fait de se reconnaître (de près ou de loin) dans les sentiments éprouvés.

J'ai particulièrement aimé l'audace de la mise en scène d’Eric Civanyan ponctuant les scènes de complots dans la cuisine et les règlements de compte dans la salle à manger dans une alternance d’obscurité et de lumière. Le décor blanc aux allures de ruines peut s'interpréter comme une métaphore existentielle d'une fratrie qui ne demande qu'à se reconstruire.... ou à se détruire définitivement.

Entre vin rouge et vodka, ce "Conseil de famille" goupillé par Amanda Sthers et Morgan Spillemaecker nous sert pendant 1h30 un cocktail explosif que l'on boit comme du petit lait.

Hervé Gaudin.