jeudi 20 juin 2013

Messages personnels


Le mauvais tour de France

Amère d’avoir perdu son étoile du Berger la guidant aveuglement vers un succès annoncé d’avance, France Gall s’en prend allègrement à Jenifer, glamour et sexy à souhaits. La samba des coups bas s’emballe. Une déclaration d’amertume d’une vieille poupée qui ne se prive pas de balancer au tout-Paris sa vive colère, ne résiste pas à ma désolation. S’autoproclamant gardienne du temple du patrimoine artistique de son défunt mari, Babou* se régale à se plaindre par médias interposés. Selon ses dires, elle accuse la jeune ténébreuse d’avoir repris sans son autorisation les chansons écrites par son pygmalion perdu sans doute au beau milieu d’un paradis blanc. L’accusée se défend de ne jamais avoir été reçue. Ma neutralité à caractère helvétique me conduit à ne pas prendre parti au milieu de cette querelle puérile. Soumis à une curiosité sans limite, je me suis sacrifié à la cause en écoutant "Ma déclaration". En scrutant la pochette de cet album fardée au lipstick rouge sang, Jenifer ressemble bien plus à la provocante Lio qu’à la marraine de Babacar. Puis, en écoutant plusieurs titres avec attention, je n’ai pas réussi à m’attacher au timbre juste de sa voix qui passe à côté de l’émotion. Les arrangements faciles dénaturent les originaux comme un yahourt smoothie multifruits brise l’onctuosité d’un savoureux fromage blanc. J’ai pourtant essayé de me plonger dedans, de verser une larme salée le long de mes joues creuses, je n’y suis pas arrivé. A force de revisiter les monuments, les murs du son se défraichissent. A l’image de ses commentaires répétitifs dans l’émission «The Voice», nous savons désormais qu'elle s’imprègne plus facilement des âmes écorchées vives que des fous chantants. Elle aime se faire mal et souffrir. Je n’ai pas été étonné de trouver parmi les douze reprises, le cafardeux «Si maman si», le suicidaire «Message personnel», le revendicateur «Diego libre dans sa tête» (aux antipodes de l’interprétation émouvante de Johnny) et le mortuaire «Evidemment» (en hommage à l’ami Balavoine). Loin devant, "Poupée de cire, poupée de son" donne un élan de modernité à ce morceau vieillot. Femme fatale ou tendre ingénue, je la préfère dans ce registre. Dans l’ensemble, je déplore un manque flagrant de sincérité. Elle chante, point barre.
Parmi ses nombreuses confessions, Jenifer  clame son amour pour la groupie du pianiste qui ne l’entend pas de son oreille à l’affût des royalties susceptibles de lui échapper. Enfreindre les règles sacrées des droits d’auteur, c’est pêché! Dans ce contexte tendu, l'admiration manque légèrement de réciprocité. Grosso modo, pas de demande de droits, pas d'chocolat. Lâam qui connut son tout premier succès avec «Je veux chanter pour ceux» a pris une lame aiguisée dans le dos puisqu’elle fut également accusée de ne pas avoir eu l’autorisation de reprendre cette chanson. A son tour, quelques mots qui font mal, qui font mal. Elle n'a, elle n'a, elle n'a.. qu’à se mettre au boulot, s’entourer d’auteurs-compositeurs compétents et nous sortir une brioche moelleuse de son four éteint depuis 1992, date tragique de la disparition de celui qui chantait autour de nous. Le prince des vinyles donnait tout pour une musique écrite pour adoucir les moeurs et non pour durcir les rancoeurs. Pour le coup, ça n'tient plus debout.

Hervé Gaudin.

* De son vrai prénom Isabelle, France Gall est surnommé Babou par ses proches. 

mardi 4 juin 2013

Toute sa musique qu'on aime


L’idole du jeûne
Le tocsin ténébreux sonne dans le cercle fermé des monstres sacrés. Selon un sondage inédit de BVA, 65% des français ne veulent plus entendre Johnny Hallyday. Contrairement à celui qui proclamait avec vigueur son envie d’avoir envie, l’envie n’y est plus vraiment chez ses compatriotes. Pourquoi tant de haine précipitée? Quoi sa gueule? Qu’est-ce qu’elle a sa gueule? Non, ce n’est pas vraiment sa tronche marquée par des excès à vau-l’eau, des mariages déçus et des chirurgies ratées mais des perturbateurs aimeraient qu’il la ferme pour de bon. A 70 ans, l’ex-idole des jeunes poussée au jeûne artistique semble parée à mettre le feu encore quelques années dans le cœur fertile de millions de fans si fiers de porter des tee-shirts ringards à son effigie ou affichant les écussons Harley Davidson tatoués sur leurs biceps. Les vieux garçons sexagénaires éructant des relents de bière bon marché et roulant des mécaniques continueront à croiser leurs poignets tandis que Gabrielle s’évertuera à les laisser mourir d’amour enchaînés. Certes, les incorrigibles détracteurs peuvent se complaire dans  la moquerie en parodiant comme je l’ai fait ci-dessus cette brave secte asservie à l’aura de cet artiste. Malgré tout, la scène, c’est son truc. Aujourd’hui, sa carrière se résume par 100 millions d’albums vendus, 181 tournées et je ne compte pas dans ma besace trop lourde le nombre d’évanouissements de femmes émoustillées aux premiers rangs. Excusez du peu! Même en absorbant un élixir de jouvence, nos artistes actuels n’arriveraient pas à en vendre autant. Le chanteur ne doit pas se sentir abandonné par une nation baptisée aux larmes de ses yeux brûlés par la sueur au soir d’un palais des sports en 1982 marquant à l'époque un vrai retour aux sources. Vêtu d’un ensemble en peau de bête ou d’une veste en cuir cloutée, il ne s’est jamais vraiment éloigné de l’époque du Golf-Drouot qui a fait naître Eddy Mitchell ou Jacques Dutronc. Sa rock n’ roll attitude nous embarque quoiqu’on en dise. Alors, si les mauvaises langues se réjouissent d’une retraite anticipée, Monsieur Smet trouvera toujours un bon tube à s’mettre sous la dent. Et même s’il oublie parfois de vivre, son public fidèle n’oubliera pas son nom.
Johnny Hallyday représente la figure de proue du navire musical de notre pays. Et cette figure là, elle est terrible!

Hervé Gaudin.