vendredi 15 mars 2013

Insolite


L’aidant de l’amer


L’honnêteté ne paie pas. Le courage guère plus. Paul Marshallsea, un brave gallois âgé de 62 ans logiquement en arrêt maladie pour surmenage a défié un requin d’1,8 mètre afin de protéger des enfants partis en baignade sur une plage australienne située à proximité de Brisbane. N’écoutant que son instinct protecteur, le sexagénaire réussit sans difficulté à chasser des eaux balnéaires le dangereux prédateur. Sans l’ombre d’un soupçon sur les conséquences à venir, il aurait du s’abstenir avant de se la jouer «Alerte au malotru». En effet, malheur lui en a pris de protéger les chérubins en maillot de bain car son employeur l’a remercié avec un joli courrier de licenciement dès son retour à Merthyr Tydfil. Dès que la vidéo fut postée sur le net, les médias se sont empressés de relayer l’information plus rapidement que le coup de mâchoires d’un grand blanc. Nous pouvons aisément comprendre que son patron n’avale pas des couleuvres en regardant son employé torse nu, en forme olympique et en pleine possession de ses moyens. Nous avons tous rencontré un collègue tout  vêtu et tout bronzé, les cernes effacées par un repos longue durée vous expliquant en toute sérénité que les vacances à la campagne prodiguées par son médecin complice l’ont revigoré au plus haut point. Sans remettre en cause le traitement de ce collègue de bureau aux poils rugueux plantés dans le creux de sa main (une feignasse quoi), il est difficile de gober ces excuses à 1,50€. Ce billet d’humour ne dépasserait pas les limites du risiblement correct si le patron en question ne dirigeait pas une association de défense des enfants.
Qui est le vrai coupable dans cette histoire? Est-ce Youtube ou Dailymotion, diffuseurs universels de crétineries domestiques et d’exploits filmés à l’insu de tous les estivants intrépides sur notre planète? Est-ce le vacancier anonyme impatient d’appuyer sur le bouton ON de son caméscope? N’aurait-il pas été plus judicieux de mater la belle blonde toute huilée de monoï à côté du barbu bedonnant qui ronfle sur sa serviette à moitié couverte de sable? Est-ce le big boss dépourvu d’attendrissement en voyant ces enfants libres de patauger sans être croqués comme un sandwich club jambon crudités? Ou enfin, le poisson vorace qui essayait de se frayer un chemin limpide pour se sustenter de quelques membres inférieurs plongeant la population locale dans un chaos hépatique?
Paul le «papa poulpe» ne digère pas le mépris affiché face à son héroïsme au goût amer. En 2013, aider son prochain ne nourrit pas son homme ni les requins. Cela ne valait pas la peine de se mouiller pour être viré aussi sec.

Hervé Gaudin.

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