Permis d’oser
Sylvia Kristel
s’est éteinte sans étreinte à l’âge de 60 ans en délaissant son fauteuil en
osier tressé pour aborder un autre paradis, plus éloigné, plus harmonieux et
certainement plus charnel.
En incarnant «
Emmanuelle » à cinq reprises, cette actrice hollandaise symbolise le fantasme
masculin des années 70. Au départ, le spectateur se jette à corps perdu dans
une histoire simple: partie rejoindre son époux à Bangkok, une bourgeoise prise
d’ennui et de curiosité, rencontre deux jeunes femmes qui l’initient aux jeux
de l’amour et de l’échangisme. Trente ans après, on (re)découvre en cette œuvre
kitsch un hymne à l’abandon total du corps sur le désir exaucé. Mais ça reste
soft. Pas de fornication bestiale ni d’insultes sexistes sur un canapé de
salon. On y voit des dessous chics (merci Gainsbourg) et on ne se saute pas
dessus mutuellement comme des morts de faim. De nos jours, une Emmanuelle
pourrait sommeiller en chaque femme qui oserait dépasser les frontières du
sexuellement correct si toutefois il en existe vraiment un. L’image du couple
idéal alors bafoué n’est plus restreinte au jeu du docteur, du touche pipi, du
grotesque amusement entre le faux papa et la maman comme à l’école maternelle.
On se trompe allègrement et en plus, c’est joli à voir. “Emmanuelle” se décrit
comme une sorte d’œuvre picturale sur l’adultère et le sadisme sur fond
exotique.
En 1974 (année de
ma naissance), ce film réalisé par Just Jaekin attira bon nombre de couples
piqués par une curiosité sans bornes ou par l’envie de tester autre chose à la
maison. Durant treize années, l’affiche combla les Champs-Elysées à l’heure où
la pornographie s’immisce lentement dans nos vidéos clubs et bien plus tard sur
nos écrans de télévision. L’érotisme n’est plus trop d’actualité et le porno
devient une mode. Certains décriront ce genre comme scabreux, choquant, salace,
indécent et malheureusement pour eux inévitable. D’autres défendront le genre
en l’assimilant à une fiction créative tout en occultant les effets préjudiciables
sur les jeunes générations crédules. Plus précisément, elle supprime le
comportement rationnel lié à la séduction, au vrai rapport amoureux précédent
le rapport intime (le roulage de pelles et tout le toutim) puis l’acte sexuel
dans sa globalité (non, je ne suis pas psy). Aujourd’hui, il ne faut pas
négliger le fait qu’elle est entrée dans les mœurs et occupe la scène
culturelle au même titre que le théâtre, le ballet et la musique. Cette vision
donne lieu à des provocations rencontrées dans des clips. De nombreuses
chanteuses comme Jane Fostin (la taille de ton amour), Mylène Farmer (Beyond my
control) ou Rihanna (We found love) font l’objet de censures exagérées. Dans
son dernier album, Madonna n’a pu interpréter « Girls gone wide » lors du
dernier Super Bowl en 2012 car cette chanson porte le nom d’une série de films
pornographiques produit par Joe Francis qui exige le retrait immédiat de son
interprétation en live. Même si la sulfureuse madone avait choqué les
bien-pensants avec son opus «Justify my love» en 1990, ses clips n’ont jamais
été retirés des sites d’hébergement gratuits. A cet endroit, la pénétration
artistique est uniquement autorisée. Coluche nous amusait très justement avec
cette phrase: “la moralité devient rigide lorsque le reste ne l’est plus”.
Selon l’essayiste
et écrivain André Breton, «la pornographie c’est l’érotisme des autres». A cet
instant, on n’imagine plus, on ne dévisage plus, on ne suggère plus, on passe à
l’acte. George Clémenceau résume très bien l’idée de ce phénomène - ô combien
étrange - qui éveille notre désir sexuel de différentes manières. L’érotisme
est en chacun de nous.
- L’amour, c’est quand on monte l’escalier, dit-il et cela définit toutes les illustrations possibles de personnes ou de scènes que l’on retrouve aussi bien dans la peinture, la sculpture, la photographie et évidemment le cinéma. Par ces exemples, les supports érotiques existent depuis des milliers d’années et leur accessibilité se réservait aux classes riches et dirigeantes. A l’inverse, la pornographie est accessible aux classes modestes. Pour une fois, c'est le patronat qui s'touche (dixit Besancenot lors d'une réunion du LCR en 2008).
- L’amour, c’est quand on monte l’escalier, dit-il et cela définit toutes les illustrations possibles de personnes ou de scènes que l’on retrouve aussi bien dans la peinture, la sculpture, la photographie et évidemment le cinéma. Par ces exemples, les supports érotiques existent depuis des milliers d’années et leur accessibilité se réservait aux classes riches et dirigeantes. A l’inverse, la pornographie est accessible aux classes modestes. Pour une fois, c'est le patronat qui s'touche (dixit Besancenot lors d'une réunion du LCR en 2008).
Enfin, que celui
(ou celle) qui n’a jamais visionné en cachette un bon porno un mercredi
après-midi avec des copains de classe ou dans une soirée pyjama entre filles
célibataires me jette la première jarretelle. Peu importe, le sexe est tabou et
malgré les avis divergents, on n’y prendra forcément tous goût.
Hervé Gaudin.
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