lundi 4 février 2013

Hommage (17 octobre 2012)



Permis d’oser

Sylvia Kristel s’est éteinte sans étreinte à l’âge de 60 ans en délaissant son fauteuil en osier tressé pour aborder un autre paradis, plus éloigné, plus harmonieux et certainement plus charnel.
En incarnant « Emmanuelle » à cinq reprises, cette actrice hollandaise symbolise le fantasme masculin des années 70. Au départ, le spectateur se jette à corps perdu dans une histoire simple: partie rejoindre son époux à Bangkok, une bourgeoise prise d’ennui et de curiosité, rencontre deux jeunes femmes qui l’initient aux jeux de l’amour et de l’échangisme. Trente ans après, on (re)découvre en cette œuvre kitsch un hymne à l’abandon total du corps sur le désir exaucé. Mais ça reste soft. Pas de fornication bestiale ni d’insultes sexistes sur un canapé de salon. On y voit des dessous chics (merci Gainsbourg) et on ne se saute pas dessus mutuellement comme des morts de faim. De nos jours, une Emmanuelle pourrait sommeiller en chaque femme qui oserait dépasser les frontières du sexuellement correct si toutefois il en existe vraiment un. L’image du couple idéal alors bafoué n’est plus restreinte au jeu du docteur, du touche pipi, du grotesque amusement entre le faux papa et la maman comme à l’école maternelle. On se trompe allègrement et en plus, c’est joli à voir. “Emmanuelle” se décrit comme une sorte d’œuvre picturale sur l’adultère et le sadisme sur fond exotique.
En 1974 (année de ma naissance), ce film réalisé par Just Jaekin attira bon nombre de couples piqués par une curiosité sans bornes ou par l’envie de tester autre chose à la maison. Durant treize années, l’affiche combla les Champs-Elysées à l’heure où la pornographie s’immisce lentement dans nos vidéos clubs et bien plus tard sur nos écrans de télévision. L’érotisme n’est plus trop d’actualité et le porno devient une mode. Certains décriront ce genre comme scabreux, choquant, salace, indécent et malheureusement pour eux inévitable. D’autres défendront le genre en l’assimilant à une fiction créative tout en occultant les effets préjudiciables sur les jeunes générations crédules. Plus précisément, elle supprime le comportement rationnel lié à la séduction, au vrai rapport amoureux précédent le rapport intime (le roulage de pelles et tout le toutim) puis l’acte sexuel dans sa globalité (non, je ne suis pas psy). Aujourd’hui, il ne faut pas négliger le fait qu’elle est entrée dans les mœurs et occupe la scène culturelle au même titre que le théâtre, le ballet et la musique. Cette vision donne lieu à des provocations rencontrées dans des clips. De nombreuses chanteuses comme Jane Fostin (la taille de ton amour), Mylène Farmer (Beyond my control) ou Rihanna (We found love) font l’objet de censures exagérées. Dans son dernier album, Madonna n’a pu interpréter « Girls gone wide » lors du dernier Super Bowl en 2012 car cette chanson porte le nom d’une série de films pornographiques produit par Joe Francis qui exige le retrait immédiat de son interprétation en live. Même si la sulfureuse madone avait choqué les bien-pensants avec son opus «Justify my love» en 1990, ses clips n’ont jamais été retirés des sites d’hébergement gratuits. A cet endroit, la pénétration artistique est uniquement autorisée. Coluche nous amusait très justement avec cette phrase: “la moralité devient rigide lorsque le reste ne l’est plus”.
Selon l’essayiste et écrivain André Breton, «la pornographie c’est l’érotisme des autres». A cet instant, on n’imagine plus, on ne dévisage plus, on ne suggère plus, on passe à l’acte. George Clémenceau résume très bien l’idée de ce phénomène - ô combien étrange - qui éveille notre désir sexuel de différentes manières. L’érotisme est en chacun de nous.
- L’amour, c’est quand on monte l’escalier, dit-il et cela définit toutes les illustrations possibles de personnes ou de scènes que l’on retrouve aussi bien dans la peinture, la sculpture, la photographie et évidemment le cinéma. Par ces exemples, les supports érotiques existent depuis des milliers d’années et leur accessibilité se réservait aux classes riches et dirigeantes. A l’inverse, la pornographie est accessible aux classes modestes. Pour une fois, c'est le patronat qui s'touche (dixit Besancenot lors d'une réunion du LCR en 2008).
Enfin, que celui (ou celle) qui n’a jamais visionné en cachette un bon porno un mercredi après-midi avec des copains de classe ou dans une soirée pyjama entre filles célibataires me jette la première jarretelle. Peu importe, le sexe est tabou et malgré les avis divergents, on n’y prendra forcément tous goût.

Hervé Gaudin.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire